[JEAN JACQUES ROUSSEAU]

DÉSAVEU DE l’ACADÉMIE DE DIJON, AU SUJET DE LA RÉFUTATION ATTRIBUÉE FAUSSEMENT A l’UN DE SES MEMBRES, TIRE DU MERCURE DE FRANCE, Août 1752. [V. DISCOURS DES SCIENCES ET DES ARTS; OBSERVATIONS DE M. LE CAT; RÉFUTATION DES OBSERVATIONS]

[Juin 22, 1752; Août, 1752. == Du Peyrou/Moultou 1780-89 quarto Édition, t. XIII, pp. 180-181.]

DÉSAVEU
De l’Académie de Dijon,
au sujet
de la Réfutation attribuée faussement à l’un de ses Membres,
tiré du Mercure de France,
Août 1752.

[180] L’Académie de Dijon a vu avec surprise dans une lettre imprimée de M. Rousseau, qu’il paroissoit une brochure intitulée: Discours qui a remporté le Prix de l’Académie Dijon en 1750, accompagné d’une réfutation de ce Discours par un Académicien de Dijon qui lui a refusé son suffrage.

L’Académie sait parfaitement que ses décisions, ainsi que celles des autres Académies du Royaume ressortissent au tribunal du public, elle n’auroit pas relevé le réfutation qu’elle désavoue, si son Auteur, plus occupé du plaisir de critiquer que du soin de faire une bonne critique, n’avoit cru en si déguisant sous une dénomination qui ne lui est pas due, intéresser le public dans une querelle qui n’a que trop duré, ou tout au moins lui laisser entrevoir quelque semence de division dans cette Société, tandis que ceux qui la composent uniquement occupés à la recherche du vrai, le discutent sans aigreur & sans se livrer à ces haines de parti qui sont ordinairement le résultat des disputes littéraires.

Ils savent tous le respect qui est dû aux choses jugées, la forcé qu’elles doivent avoir parmi eux, & combien il feroit indécent que dans une assemblée de gens de Lettres, un particulier s’avinât de résulter par écrit une décision qui auroit passé contre son avis.

[181] Il paroît par la lettre de M. Rousseau, que ce prétendu Académicien de Dijon n’a pas les premieres notions du local d’une Académie où il prétend qu’il occupe une place, lorsqu’il parle de sa terre & de ses fermiers de Picardie, puisque en fait il est faux qu’aucun Académicien de Dijon possede un pouce de terre dans cette province. L’Académie désavoue donc formellement l’Auteur pseudonyme, & sa réfutation attribuée à l’un de ses membres par une fausseté indigne d’un homme qui fait profession des Lettres, & que n’obligeoit à se masquer.

Mais de quelque plume que parte cet ouvrage, & quel qu’ait pu être le dessein de celui qui l’a composé, il sera toujours honneur au Discours de M. Rousseau, qui usant de la liberté des problêmes (la seule voie propre à éclaircir la vérité) a eu assez de courage pour en soutenir le parti, & à l’Académie qui a eu assez de bonne soi pour la couronner.

A Dijon le 22 Juin 1752.

PETIT, Secrétaire de l’Académie des Sciences de Dijon.

FIN.

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