JEAN JACQUES ROUSSEAU

LE LÉVITE D’ÉPHRAIM

[1762, été; reprise en 1768, été; Bibliothèque de Neuchâtel mss. R. 14-15, 48, 91.; Oeuvres posthumes de J.-J. Rousseau, Genève, 1781; la Pléiade édition t. II, pp. 1205-1223. == Du Peyrou/Moultou 1780-89 quarto édition, t. VII, pp. 163-186.]

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LE LÉVITE D’ÉPHRAIM.

CHANT PREMIER

Sainte colere de la vertu, viens animer ma voix; je dirai les crimes de Benjamin, & les vengeances d’Israel; je dirai des forfaits inouis, & des châtimens encore plus terribles. Mortels, respectez la beauté, les mœurs, l’hospitalité; soyez justes sans cruauté, miséricordieux sans foible; & fâchez pardonner au coupable, plutôt que de punir l’innocent.

O vous, hommes débonnaires, ennemis de toute inhumanité; vous qui, de peur d’envisager les crimes de vos freres, aimez mieux les laisser impunis, quel tableau viens-je offrir à vos yeux? Le corps d’une femme coupe par pieces; ses membres déchires & palpitans envoyés aux douze Tribus; tout le peuple, saisi d’horreur, élevant jusqu’au Ciel une clameur unanime, s’écriant de concert; non, jamais rien de pareil ne s’est fait en Israel, depuis le jour ou nos Peres sortirent d’Egypte jusqu’à ce jour. Peuple saint, rassemble-toi; prononce fur cet acte horrible, & décerne le prix qu’il a mérite. A de tels forfaits celui qui détourne ses regards est une lâche, un déserteur de la justice; la véritable humanité les envisage, pour connoître, pour les juger, pour les détester. [164] Osons entrer dans ces détails, & remontons à la source des guerres civiles qui firent périr une des Tribus, & côuterent tant de sang aux autres. Benjamin, triste enfant de douleur, qui donnas la mort à ta mere, c’est de ton sein qu’est sorti le crime qui t’a perdu, c’est ta race impie qui put le commettre, & qui devoit trop l’expier.

Dans les jours de liberté ou nul ne régnoit sur le peuple du Seigneur, il fut un tems de licence ou chacun, sans reconnoître ni magistrat ni juge, etoit seul son propre maître & faisoit tout ce qui lui sembloit bon. Israel, alors épars dans les champs, avoit peu de grandes villes, & la simplicité de ses mœurs rendoit superflu l’empire des loix. Mais tous les cœurs n’etoient pas également purs, & les mechans trouvoient l’impunité du vice dans la sécurité de la vertu.

Durant un de ces courts intervalles de calme & d’égalité qui restent dans l’oubli parce que nul n’y commande aux autres & qu’on n’y fait point de mal, un Lévite des monts d’éphraim vit dans Bethléem une jeune fille qui lui plut. Il lui dit: Fille de Juda, tu n’es pas de ma Tribu, tu n’as point de frere; tu es comme les filles de Salphaad, & je ne puis t’épouser selon la loi du Seigneur.* [*Nombres C. XXXVI. v.8. Je sais que les enfans de Lévi pouvoient se marier dans toutes les Tribus, mais non dans le cas suppose.] Mais mon cœur, est à toi; viens avec moi, vivons ensemble; nous serons unis & libres; tu seras mon bonheur, & je serai le tien. Le Lévite etoit jeune & beau; la jeune fille sourit; ils s’unirent, puis il l’emmena dans ses montagnes.

[165] Là, coulant une douce vie, si chere aux cœurs tendes & simples, il goûtoit dans sa retraite les charmes d’un amour partage: la, sur un sistre d’or fait pour chanter les louanges du Très-Haut, il chantoit souvent les charmes de sa jeune épouse. Combien de sois les coteaux du mont Heba1 retentirent de ses aimables chansons? Combien de sois il la, mena sous l’ombrage, dans les vallons de Sichem, cueillir des roses champêtres & goûter le frais au bord des ruisseaux? Tantôt il cherchoit dans les creux des rochers des rayons d’un miel dore dont elle faisoit ses délices; tantôt dans le feuillage des oliviers il tendoit aux oiseaux des pièges trompeurs, & lui apportoit une tourterelle craintive qu’elle baisoit en la flattant, puis l’enfermant dans son sein, elle tressailloit d’aise en la sentant se débattre & palpiter. Fille de Bethléem, lui disoit-il, pourquoi pleures-tu toujours ta famille & ton pays? Les enfans d’Ephraim n’ont-ils point aussi des fêtes, les filles de la riante Sichem sont-elles sans gaîté, les habitans de l’antique Atharot manquent-ils de force & d’adresse? Viens voir leurs jeux & les embellir. Donne-moi des plaisirs, ô ma bien-aimée; en est-il pour moi d’autres que les riens?

Toutefois la jeune fille s’ennuya du Lévite, peut-être parce qu’il ne lui laissoit rien à désirer à désire. Elle se dérobe & s’ensuit vers son pere, vers sa tendre mere, vers ses solâtres sœurs. Elle y croit retrouver les plaisirs innocens de son enfance, comme si elle y portoit le même âge & le même cœur.

Mais le Lévite abandonne ne pouvoir oublier sa volage épouser. Tout lui rappelloit dans sa solitude les jours heureux qu’il avoit passes auprès d’elle; leurs jeux, leurs plaisirs, leurs [166] querelles, & leurs tendres raccommodemens. Soit que le soleil levant dorât la cime des montagnes de Gelboe, soit qu’au soir un vent de mer vint rafraîchir leurs roches brûlantes, il erroit en soupirant dans les lieux qu’avoir aimes l’infidèle, & la nuit, seul dans sa couche nuptiale, il abreuvoit son chevet de ses pleurs.

Après avoir flatte quatre mois entre le regret & le dépit; comme un enfant chasse du jeu par les autres feint n’en vouloir plus en brûlant de s’y remettre, puis enfin des pleurant d’y rentrer, le Lévite, entraîne par son amour, prend sa monture, & suivi de son serviteur avec deux ânes d’Epha charges de ses provisions & de dons pour les parens de la jeune fille, il retourne à Bethléem, pour se réconcilier avec elle & tacher de la ramener.

La jeune femme l’appercevant de loin tressaillit, court au-devant de lui, & l’accueillant avec caresses l’introduit dans la maison de son pere; lequel apprenant son arrivée accourt aussi plein de joie, l’embrasse, le reçoit, lui, son serviteur, son équipage, & s’empresse à le bien traiter. Mais le Lévite ayant le cœur serre ne pouvoir parler; néanmoins ému par le bon accueil de la famille, il leva les yeux sur sa jeune épouse, & lui dit: Fille d’Israel, pourquoi me fuis-tu? Quel mal t’ai-je fait? La jeune fille se mit à pleurer en se couvrant le visage. Puis il dit au pere: rendez-moi ma compagne; rendez-la moi pour l’amour d’elle; pourquoi vivroit-elle seule & délaissée? Quel autre que moi peut honorer comme sa femme celle que j’ai reçu vierge?

Le pere regarda sa fille, & la fille avoit le cœur attendri [167] du retour de son mari. Le pere dit donc à son gendre: mon fils, donnez-moi trois jours; passons ces trois jours dans la joie, & le quatrieme jour vous & ma fille partirez en paix. Le Lévite resta donc trois jours avec son beau-pere & toute sa famille, mangeant & buvant familièrement avec eux: & la nuit du quatrieme jour, se levant avant le soleil, il voulut partir. Mais son beau-pere l’arrêtant par la main lui dit: Quoi! voulez-vous partir à jeun? Venez fortifier votre estomac, & puis vous partirez. Ils se mirent donc à table, & après avoir mange & bu, le pere lui dit: mon fils, je vous supplie de vous réjouir avec nous encore aujourd’hui. Toutefois le Lévite se levant vouloir partir; il croyoit ravir à l’amour le tems qu’il passoit loin de sa retraite, livre à d’autres qu’a sa bien-aimée. Mais le pere ne pouvant se résoudre à s’en séparer engagea sa fille d’obtenir encore cette journée; & la fille, caressant son mari, le fit rester jusqu’au lendemain.

Des le matin, comme il etoit prêt à partir, il fut encore arrête par son beau-pere, qui le força de se mettre à table en attendant le grand jour; & le tems s’ecouloit sans qu’ils s’en apperçussent. Alors le jeune homme s’étant lève pour partir avec sa femme & son serviteur, & ayant prépare toute chose; ô, mon fils! lui dit le pere; vous voyez que le jour s’avance & que le soleil est sur son déclin. Ne vous mettez pas si tard en route; de grace, réjouissez mon cœur encore le reste de cette journée; demain des le point du jour vous partirez sans retard: & en disant ainsi, le bon vieillard etoit tout saisi; ses yeux paternels se remplissoient de larmes. Mais le Lévite ne se rendit point, & voulut partir à l’instant.

[168] Que de regrets coûta cette séparation funeste! Que de touchans adieux furent dits & recommences! Que de pleurs les sœurs de la jeune fille versèrent sur son visage! Combien de fois elles la reprirent tour-à-tour dans leurs bras! Combien de fois sa mere éplorée, en la serrant derechef dans les siens, sentit les douleurs d’une nouvelle séparation! Mais son pere en l’embrassant ne pleuroit pas: ses muettes étreintes etoient mornes & convulsives; des soupirs tranchans soulevoient sa poitrine. Hélas! il sembloit prévoir l’horrible sort de l’infortunée. Oh, s’il eut su qu’elle ne reverroit jamais l’aurore! S’il eut su que ce jour etoit le dernier de ses jours....Ils partent enfin, suivis des tendres bénédictions de toute leur famille, & de vœux qui meritoient d’être exauces. Heureuse famille, qui dans l’union la plus pure, coule au sein de l’amitié ses paisibles jours, semble n’avoir qu’un cœur à tous ses membres. Oh innocence des mœurs, douceur d’ame, antique simplicité, que vous êtes aimables! Comment la brutalité du vice a-t-elle pu trouver place au milieu de vous? Comment les fureurs de la barbarie n’ont-elles pas respecte vos plaisirs?

[169]

CHANT SECOND

Le jeune Lévite suivoit sa route avec sa femme, son serviteur & son bagage, transporte de joie de ramener l’amie de son cœur, & inquiet du soleil & de la poussiere, comme une mere qui ramene son enfant chez la nourrice, & craint pour lui les injures de l’air. Déjà l’on découvroit la ville de Jebus à main droite, & ses murs aussi vieux que les siecles, leur offroient un asyle aux approches de la nuit. Le serviteur dit donc à son maître; vous voyez le jour prêt à finir: avant que les ténèbres nous surprennent, entrons dans la ville des Jébuséens, nous y chercherons un asyle, & demain, poursuivant notre voyage, nous pourrons arriver à Geba.

A Dieu ne plaise, dit le Lévite, que je loge chez un peuple infidèle, & qu’un Cananéen donne le couvert au ministre du Seigneur. Non, mais allons jusques à Gabaa chercher l’hospitalité chez nos freres. Ils laissèrent donc Jérusalem derrière eux; ils arrivèrent après le coucher du soleil à la hauteur de Gabaa, qui est de la Tribu de Benjamin. Ils se détournerent pour y passer la nuit, & y étant entres, ils allèrent s’asseoir dans la place publique; mais nul ne leur offrit un asyle, & ils demeuroient à découvert.

Hommes de nos jours, ne calomniez pas les moeurs de vos peres. Ces premiers tems, il est vrai, n’abondoient pas comme les vôtres en commodités de la vie; de vils métaux n’y suffisoient pas à tout: mais l’homme avoit des entrailles qui faisoient [170] le reste: l’hospitalité n’etoit pas vendre, & l’on n’y trafiquoit pas des vertus.Les fils de Jémini n’etoient pas les seuls, sans doute, dont les cœurs de fer fussent endurcis; mais cette dureté n’etoit pas commune. Par-tout avec la patience on trouvoit des freres; le voyageur dépourvu de tout, ne manquoit de rien.

Après avoir attendu long-tems inutilement, le Lévite alloit détacher son bagage, pour en faire à la jeune fille un lit moins dur que la terre nue; quand il apperçut un homme vieux, revenant sur le tard de les champs & de ses travaux rustiques. Cet homme etoit comme lui des monts d’Ephraim, & il etoit venu s’établir autrefois dans cette ville parmi les enfans de Benjamin.

Le vieillard élevant les yeux, vit un homme & une femme assise au milieu de la place, avec un serviteur des bêtes de somme & du bagage. Alors s’approchant, il dit au Lévite: Etranger, d’ou êtes-vous, & ou allez-vous? lequel lui répondit; nous venons de Bethléem, ville de Juda: nous retournons dans notre demeure sur le penchant du mont d’ephraim, d’ou nous étions venus; & maintenant nous cherchions l’hospice du Seigneur; mais nul n’a voulu nous loger. Nous avons du grain pour nos animaux, du pain, du vin pour moi, pour, votre servante, & pour le garçon qui nous suit; nous avons tout ce qui nous est nécessaire, il nous manque seulement le couvert. Le vieillard lui répondit; paix. vous soit mon frere: vous ne resterez point dans la place, si quelque chose vous manque, que le crime en soit sur moi. Ensuite il les mena dans sa maison, fit décharger leur équipage, garnir le râtelier pour leurs bêtes, & ayant fait laver les pieds à ses hôtes, il leur fit un festin de Patriarches, simple & sans faste mais abondant.

[171] Tandis qu’ils etoient à table avec leur cote & sa fille,* [*Dans l’usage antique les femmes de la maison ne se mettoient pas à table avec leurs hôtes, quand c’etoient des hommes; mais lorsqu’il y avoit des femmes, elles s’y mettoient avec elles.] promise à un jeune homme du pays, & que dans 1a gaîté d’un repas offert avec joie, ils se delaissoient agréablement, les hommes de cette ville, enfans de Bélial, sans joug, sans frein, sans retenue, & bravant le Ciel comme les Cyclopes du Mont Etna, vinrent environner la maison, frappant rudement à la porte, & criant au vieillard d’un ton menaçant: Livre-nous ce jeune etranger que sans conge tu reçois dans nos murs, que sa beauté nous paye le prix de cet asyle, & qu’il expie ta témérité. Car ils avoient va le Lévite sur la place, &, par un reste de respect pour le plus sacre de tous les droits, n’avoient pas voulu le loger dans leurs maisons pour lui faire violence; mais ils avoient complote de revenir le surprendre au milieu de la nuit, & ayant sa que le vieillard lui avoit donne retraite, ils accouroient sans justice & sans honte pour l’arracher de sa maison.

Le vieillard entendant ces forcenés, se trouble, s’effraye, & dit au Lévite: nous sommes perdus. Ces mechans ne sont pas des gens que la raison ramene, & qui reviennent jamais de ce qu’ils ont résolu. Toutefois il sort au-devant d’eux pour tacher de les fléchir. Il se prosterne, & levant au Ciel ses mains pures de toute rapine, il leur dit: Oh mes freres! quels discours avez-vous prononces? Ah! ne faites pas ce mal devant le Seigneur; n’outragez-pas ainsi la nature, ne violez pas la sainte hospitalité. Mais voyant qu’ils ne l’écoutoient point, & [172] que, prêts à le maltraiter lui-même, ils alloient forcer la maison, le vieillard au désespoir prit à l’instant son parti, & faisant signe de la main pour se faire entendre au milieu du tumulte, il reprit d’une voix plus forte: non, moi vivant un tel forfait ne déshonorera point mon hôte & ne souillera point ma maison: Mais, ecoutez, hommes cruels, les supplications d’un malheureux pere. J’ai une fille encore vierge, promise à l’un d’entre vous; je vais l’amener pour vous être immolée, mais seulement que vos mains sacrilèges s’abstiennent de toucher au Lévite du Seigneur. Alors, sans attendre leur réponse, il court chercher sa fille pour racheter son. hôte aux dépens de son propre sang.

Mais le Lévite, que jusqu’à cet insistant la terreur rendoit immobile, se réveillant à ce déplorable aspect, prévient le généreux vieillard, s’élance au-devant de lui, le force à rentrer avec sa fille, & prenant lui-même sa compagne bien aimée, sans lui dire un seul mot, sans lever les yeux sur elle, l’entraîne jusqu’à la porte, & la livre à ces maudits. Aussi-tôt ils entourent la jeune fille à demi-morte, la saisissent, se l’arrachent sans pitié; tels dans leur brutale furie qu’au pied de Alpes glacées un troupeau de loups affames surprend une foible génisse, se jette sur elle & la déchire, au retour de l’abreuvoir. Oh misérables, qui détruisez votre espece par les plaisirs destines à la reproduire, comment cette beauté mourante ne glace-t-elle point vos féroces desirs? Voyez ses yeux déjà fermes à la lumière, ses traits effaces, son visage éteint; la pâleur de la mort à.couvert ses joues, les violettes livides en ont chasse les roses, elle n’a plus de voix pour gémir, ses mains n’ont [173] plus de force repousser vos outrages: Hélas! elle est déjà morte! Barbares, indignes du nom d’hommes; vos hurlemens ressemblent aux cris de l’horrible Hyène, & comme ellez, vous dévorez les cadavres.

Les approches du jour qui rechasse les bêtes farouches dans leurs tanières avant disperse ces brigands, l’infortunée use le reste de sa force à se traîner jusqu’au logis du vieillard; elle tombe à la porte la face contre terre & les bras étendus sur le seuil. Cependant, après avoir passe la nuit à remplir la maison de son hôte d’imprécations & de pleurs, le Lévite prêt à sortir ouvre la porte & trouve dans cet etat celle qu’il a tant aimée. Quel spectacle pour son cœur déchire! Il éleve un cri plaintif vers le ciel vengeur du crime: puis, adressant la parole à la jeune fille; lève-toi, lui dit-il, fuyons la malédiction qui couvre cette terre: viens, ô ma compagne! je suis cause de ta perte, je serai ta consolation: périsse l’homme injuste & vil qui jamais te reprochera ta misère; tu m’es plus respectable qu’avant nos malheurs. La jeune fille ne répond point: il se trouble, son cœur saisi d’effroi commence la craindre de plus grands maux: il l’appelle dere-chef, il regarde, il la touche; elle n’etoit plus. O fille trop aimable, & trop aimée! c’est donc pour cela que je t’ai tire de la maison de ton pere? Voilà donc le fort que te préparoit mon amour? Il acheva ces mots prêt à la suivre, & ne lui survéquit que pour la venger.

Des cet instant, occupe du seul projet dont son ame etoit remplie il fut sourd à tout autre sentiment; l’amour, les regrets, la pitié, tout en lui se change en fureur. L’aspect même de ce [174] corps, qui devroit le faire fondre en larmes, ne lui arrache plus ni plaintes ni pleurs: il le contemple d’un œil sec & sombre; il n’y voit plus qu’un objet de rage & de désespoir. Aide de son serviteur, il le charge sur sa monture & l’emporte dans sa maison. La, sans hésiter, sans trembler, le barbare ose couper ce corps en douze pieces; d’une main ferme & sure il frappe sans crainte, il coupe la chair & les os, il sépare la tête & les membres, & après avoir fait aux Tribus ces envois effroyables, il les précede à Maspha, déchire ses vêtemens, couvre sa tête de cendres, se prosterne à mesure qu’ils arrivent & réclame & grands cris la justice du Dieu d’IsraËl.

[175]

CHANT TROISIEME

Cependant vous eussiez vu tout le Peuple de Dieu, s’émouvoir, s’assembler, sortir de ses demeures, accourir de toutes les Tribus à Maspha devant le Seigneur, comme un nombreux; essaim d’abeilles se rassemble en bourdonnant autour de leur Roi. Ils vinrent tous, ils vinrent de toutes parts, de tous les cantons, tous d’accord comme un seul homme depuis Dan jusqu’à Beersabée, & depuis Galaad jusqu’à Maspha.

Alors le Lévite, s’étant présente dans un appareil lugubre, fut interroge par les anciens devant l’assemblée sur le meurtre de la jeune fille, & il leur parla ainsi: «Je suis entre dans Gabaa ville de Benjamin avec ma femme pour y passer la nuit; & les gens du pays ont entoure la maison ou j’étois loge, voulant m’outrager & me faire périr. J’ai été force de livrer ma femme à leur débauche, & elle est morte en sortant de leurs mains. Alors j’ai pris son corps, je l’ai mis en pieces, & je vous les ai envoyées à chacun dans vos limites. Peuple du Seigneur, j’ai dit la vérité; faites ce qui vous semblera juste devant le Très-Haut.»

A l’instant il s’éleva dans tout Israel un seul cri, mais éclatant, mais unanime: Que le sang de la jeune femme retombe sur ses meurtriers. Vive l’Eternel! nous ne rentrerons point dans nos demeures, & nul de nous ne retournera sous’son toit que Gabaa ne soit extermine. Alors le Lévite s’écria d’une forte: béni soit Israel qui punit l’infamie & venge [176] le sang innocent. Fille de Bethléem, je te porte une bonne nouvelle; ta mémoire ne restera point sans honneur. En disant ces mots, il tomba sur sa face, & mourut. Son corps fut honore de funérailles publiques. Les membres de la jeune femme furent rassembles & mis dans le même sépulcre, & tout Israel pleura sur eux.

Les apprêts de la guerre qu’on alloit entreprendre commencèrent par un ferment solemnel de mettre à mort quiconque negligeroit de s’y trouver. Ensuite on fit le dénombrement de tous les Hébreux portans armes, & l’on choisit dix de cent, cent de mille, & mille de dix mille, la dixieme partie de peuple entier, dont on fit une armée de quarante mille hommes qui devoir agir contre Gabaa, tandis qu’un pareil nombre etoit charge des convois de munitions & de vivres pour l’approvisionnement de l’armée. Ensuite le Peuple vint à Silo devant l’arche du Seigneur, en disant; quelle Tribu commandera les autres contre les enfans de Benjamin? Et le Seigneur répondit; c’est le sang de Juda qui crie vengeance; que Juda fait votre chef.

Mais avant de tirer le glaive contre leurs freres, ils envoyèrent à la Tribu de Benjamin des Hérauts, lesquels: dirent aux Benjamites. Pourquoi cette horreur se trouve-t-elle au milieu de vous? Livrez-nous ceux qui l’ont commise, afin qu’ils meurent, & que le mal soit ôte du sein d’Israel.

Les farouches enfans de Jemini, qui n’avoient pas ignore l’assemblée de Malpha, ni la révolution qu’on y avoir prise, s’étant prépares de leur cote, crurent que leur valeur les dispensoit d’être justes. Ils n’écouterent point d’exhortation de [177] leurs freres,&, loin de leur accorder la satisfaction qu’ils leur devoient, ils sortirent en armes de toutes les villes de leurs partages, & accoururent à la défense de Gabaa, sans se laisser essayer par le nombre, & résolus de combattre seuls tout le peuple réuni. L’armée de Benjamin se trouva de vingt-cinq mille hommes tirant l’epée, outre le habitans de Gabaa, au nombre de sept-cents hommes bien aguerris, maniant les armes des deux mains avec la même adresse & tous si excellens tireurs de fronde qu’ils pouvoient attendre un cheveu, sans que la pierre déclinât de cote ni d’autre.

L’armée d’Israel s’étant assemblée & ayant élu ses chefs vint camper devant Gabaa, comptant emporter aisément cette place. Mais les Benjamites étant sortis en bon ordre, l’attaquent, la rompent, la poursuivent avec furie, la terreur les précede & la mort les suit. On voyoit les forts d’Israel en déroute tomber par milliers sous leur epée, & les champs de Rama se couvrir de cadavres, comme les fables d’Elath se couvrent des nuées de sauterelles qu’en vent brûlant apporte & tue en un jour. Vingt-deux mille hommes de l’armée d’Israel périrent dans ce combat: mais leurs freres ne se découragerent point, & se fiant à leur force & à leur grand nombre encore plus qu’a la justice de leur cause, ils vinrent le lendemain se ranger en bataille dans le même lieu.

Toutefois avant que de risquer un nouveau combat, ils etoient montes la veille devant le Seigneur, & pleurant jusqu’au soir en sa présence ils l’avoient consulte sur le sort de cette guerre. Mais il leur dit; allez & combattez; votre devoir dépend-il de l’événement?

[178] Comme ils marchoient donc vers Gabaa, les Benjamites firent une sortie par toutes les portes, & tombant sur eux avec plus de fureur que la veille, ils les désirent, & les poursuivirent avec un tel acharnement, que dix-huit mille hommes de que guerre périrent encore ce jour-la dans l’armée d’Israel. Alors tout le peuple vint derechef se prosterner & pleurer devant le Seigneur, & jeûnant jusqu’au soir, ils offrirent des oblations & des sacrifices.. Dieu d’Abraham, disoient-ils en gémissant, ton peuple, épargné tant de fois dans ta juste colere, périra-t-il pour vouloir ôter le mal de son sein? Puis, s’étant présentes devant l’Arche redoutable, & consultant derechef le Seigneur par la bouche de Phinées fils d’Eléazar, ils lui dirent: marcherons-nous encore contre nos freres, ou laisserons-nous en paix Benjamin? La voix du Tout-Puissant daigna leur répondre: Marchez, & ne vous fiez plus en votre nombre, mais au Seigneur qui donne & ôte le courage comme il lui, plaît: Demain je livrerai Benjamin entre vos mains.

A l’instant ils sentent déjà dans leurs cœurs l’effet de cette promesse. Une valeur froide & sure succédant à leur brutale impétuosité les éclaire & les conduit. Ils s’apprêtent posément au combat, & ne s’y. présentent plus en forcenés, mais en hommes sages & braves qui savent vaincre sans fureur, & mourir sans désespoir. Ils cachent des troupes derrière le coteau de Gabaa, & se rangent en bataille avec le reste de leur armée, ils attirent loin de la ville les Benjamites, qui, sur leurs premiers succès, pleins d’une confiance trompeuse sortent plutôt pour les tuer que pour les combattre; ils poursuivent avec impétuosité l’armée qui cède & recule à dessein devant eux; ils [179] arrivent après elle jusqu’ou se joignent les chemins de Béthel & crient cri s’animant au carnage; ils tombent nous comme les premieres fois. Aveugles, qui dans l’éblouissement d’un vain succès ne voient pas l’Ange de la vengeance qui vole déjà sur leurs rangs, arme du glaive exterminateur.

Cependant le corps de troupes cache derrière le coteau, sort de son embuscade en bon ordre, au nombre de dix mille hommes, & s’étendant autour de la Ville, l’attaque, la force, en passe tous les habitans au fil de l’epée, puis élevant une grande fumée, il donne à l’armée le signal convenu, tandis que le Benjamite acharne, s’excite à poursuivre sa victoire.

Mais les forts d’IsraËl ayant apperçu le signal, firent face à l’ennemi en Baha1-Tamar. Les Benjamites, surpris de voir bataillons d’IsraËl se former, se développer, s’étendre, fondre sur eux, commencèrent à perdre courage, & tournant le dos, ils virent avec effroi les tourbillons de fumée qui leur annonçoient le désastre de Gabaa. Alors frappes de terreur à leur tour, ils connurent que le bras du Seigneur les avoit atteints, & fuyant en déroute vers le désert, ils furent environnes, poursuivis, tues, foules aux pieds; tandis que divers detachemens entrant dans les Villes, y mettoient à mort chacun dans son habitation.

En ce jour de colere & de meurtre, presque toute la Tribu de Benjamin, au nombre de vingt-six mille hommes, périt sous l’epée d’Israel; savoir, dix-huit mille hommes dans leur premiere retraite depuis Menuha jusqu’à l’Est du coteau, cinq [180] mille dans la déroute vers le désert, deux mille qu’on atteignit pris de Guidhon, & le reste dans les places qui furent brûlées, & dont tous les habitans hommes & femmes, jeunes & vieux, grands & petits, jusqu’aux bêtes, furent mis à mort, sans qu’on fit grace à aucun: en sorte que ce beau pays, auparavant si vivant, si peuple, si fertile, & maintenant moissonne par la flamme & par le fer, n’offroit plus qu’une affreuse solitude couverte de cendres & d’ossemens.

Six cents hommes seulement, dernier reste de cette malheureuse Tribu échapperent au glaive d’Israel, & se réfugierent au rocher de Rhimmon, ou ils resterent caches quatre mois, pleurant trop tard le forfait de leurs freres, & la misère ou il les avoit réduits.

Mais les Tribus victorieuses voyant le sang qu’elles avoient verse, sentirent la plaie qu’elles s’etoient faite. Le peuple vint & se rassemblant devant la maison du Dieu fort, éleva autel sur lequel il lui rendit ses hommages, lui offrant des holocaustes & des actions de grâces; puis élevant sa voix, il pleura; il pleura sa victoire après avoir pleure sa défaite, Dieu d’Abraham, s’écrioient-ils dans leur affliction, ah! ou sont tes promesses, & comment ce mal est-il arrive à ton peuple qu’une Tribu soit éteinte en Israel? Malheureux humains qui ne savez ce qui vous est bon, vous avez beau vouloir sanctifier vos passions; elles vous punissent toujours des excès qu’elles vous sont commettre, & c’est en exauçant vos vœux injustes que le Ciel vous les fait expier.

[181]

CHANT QUATRIEME

Après avoir gémi du mal qu’ils avoient fait dans leur colere, les enfans d’Israel y chercheront quelque remede qui put rétablir en son entier la race de Jacob mutilée. Emus de compassion pour les six cents hommes réfugies au rocher de Rhimmon, ils dirent; que serons-nous pour conserver ce dernier & précieux reste d’une de nos Tribus presque éteinte? Car ils avoient jure par le Seigneur, disant; si jamais aucun d’entre nous donne sa fille au fils d’in enfant de Jemini & mêle son sang au sang de Benjamin. Alors pour éluder un ferment si cruel, méditant de nouveaux carnages, ils firent le dénombrement de l’armée, pour voir si, malgré l’engagement solemnel, quelqu’un d’eux avoit manque de s’y rendre, & il ne s’y trouva nul des habitans de Jabés de Galaad. Cette branche des enfans de Manassé, regardant moins à la punition du crime qu’a l’effusion du sang fraternel, s’etoit refusée à des vengeances plus atroces que le forfait, sans considérer que le parjure & la désertion de la cause commune sont pires que la cruauté. Hélas! La mort, la mort barbare fut le prix de leur injuste pitié. Dix mille hommes détaches de l’armée d’Israel reçurent & exécuterent cet ordre effroyable; Allez, exterminez Jabès de Galaad & tous ses habitans, hommes, femmes, enfans, excepte les seules filles vierges que vous amènerez au camp, afin qu’elles soient données en mariage aux enfans de Benjamin. Ainsi pour réparer la désolation de tant et meurtres, ce peuple farouche [182] en commit de plus grands; semblable en sa furie à ces globes de fer lances par nos machines embrasées, lesquels, tombes à terre après leur premier effet, se relèvent avec une impétuosité nouvelle, & dans leurs bonds inattendus, renversent & détruisent des rangs entiers.

Pendant cette exécution funeste, Israel envoya des paroles de paix aux six cents de Benjamin réfugies au rocher de Rhimmon; & ils revinrent parmi leurs freres. Leur retour ne fut point un retour de joie: ils avoient la contenance abattue & les yeux baisses; la honte & le remords couvroient leurs visages & tout Israel consterne, pouffa des lamentations en voyant ces tristes restes d’une de ses Tribus bénites, de laquelle Jacob avoit dit: «Benjamin est un loup dévorant; au matin il déchirera sa proie, & le soir il partagera le butin.»

Après que les dix mille hommes envoyés à Jabès furent de retour, & qu’on eut dénombre les filles qu’ils amenoient, il ne s’en trouva que quatre cents, & on les donna à autant de Benjamites, comme une proie qu’on venoit de ravir pour eux. Quelles noces pour de jeunes vierges timides, dont on vient d’égorger les freres, les peres, les meres devant leurs yeux, & qui reçoivent des liens d’attachement & d’amour par des mains dégoûtantes du sang de leurs proches! Sexe toujours esclave ou tyran, que l’homme opprime ou qu’il adore, & qu’il ne peut pourtant rendre heureux ni l’être, qu’en le laissant égal à lui.

Malgré ce terrible expédient, il restoit deux cents hommes à pourvoir, & ce peuple, cruel dans sa pitié même & à qui le sang de ses freres coûtoit si peu, songeoit peut-être à [183] faire pour eux de nouvelles veuves, lorsqu’un vieillard de Lébona parlant aux anciens leur dit: hommes Israélites, ecoutez l’avis d’un de vos freres. Quand vos mains se lasseront-elles du meurtre des innocens? Voici les jours de la solemnité de l’Eternel en Silo. Dites ainsi aux enfans de Benjamin: Allez, & mettez des embûches aux vignes: puis quand vous verrez que les filles de Silo sortiront pour danser avec des flûtes, alors vous les envelopperez, & ravissant chacun sa femme, vous retournerez vous établir avec elles au pays de Benjamin.

Et quand les peres ou les freres des jeunes filles viendront se plaindre à nous, nous leur dirons; ayez pitié d’eux pour l’amour de nous & de vous-mêmes qui êtes leur freres; puisque n’ayant pu les pourvoir après cette guerre & ne pouvant leur donner nos filles contre le ferment, nous serons coupables de leur perte si nous les laissons périr sans descendans.

Les enfans donc de Benjamin firent ainsi qu’il leur fut dit, & lorsque les jeunes filles sortirent de Silo pour danser, ils s’élancerent & les environnerent. La craintive troupe fuit, se disperse; la terreur succède à leur innocente gâité; chacune appelle à grands cris ses compagnes, & court de toutes ses forces. Les ceps déchirent leurs voiles, la terre est jonchée de leurs parures, la course anime leur teint & l’ardeur des ravisseurs. Jeunes beautés ou courez-vous? En fuyant l’oppresseur qui vous tombez dans des bras qui vous enchaînent. Chacun ravit la sienne, & s’efforçant: de l’appaiser l’effraye encore plus car ses carresses qui par sa violence. Au tumulte qui s’éleve, aux cris qui se sont entendre au loin tout le peule accourt; les peres & meres écartent [184] la foule & veulent dégager leurs files; les ravisseurs autorises défendent leur proie; enfin les anciens font entendre leur voix, & le peuple, ému de compassion pour les Benjamites s’intéresse en leur faveur.

Mais les peres, indignes de l’ouvrage fait à leurs filles, ne cessoient point leurs clameurs. Quoi! s’écrioient-ils avec véhémence, des files d’IsraËl seront-elles asservies & traitées en esclaves sous les yeux du Seigneur? Benjamin nous sera-t-il comme le Moabite & l’Idumeen? Ou est la liberté du peuple de Dieu? Partagée entre la justice & la pitié, l’assemblée prononce enfin que les captives seront remises en liberté & décideront elles-mêmes de leur fort. Les ravisseurs forces de céder à ce jugement les relâchent à regret, & tachent de substituer à la force des moyens plus puissans sur leurs jeunes cœurs. Aussi-tôt elles s’échappent & fuient toutes ensemble; ils les suivent, leur tendent les bras, & leur crient; filles de Silo, ferez-vous plus heureuses avec d’autres? Les restes de Benjamin sont-ils indignes de vous fléchir? Mais plusieurs d’entr’elles, déjà liées par des attachemens secrets palpitoient d’aise d’échapper à leurs ravisseurs. Axa, la tendre Axa parmi les autres, en s’élançant dans les bras de sa mere qu’elle voit accourir, jette furtivement les yeux sur le jeune Elmacin auquel elle etoit promise, & qui venoit plein de douleur & de rage la dégager au prix de son sang. Elmacin la revoit, tend les bras, s’écrie & ne peut parler; la course & l’émotion l’ont mis hors d’haleine. Le Benjamite apperçoit ce transport, ce coup-d’oeil; il devine tout, il gémit & prêt à se retirer il voit arriver le Pere d’Axa.

[185] C’etoit le même vieillard auteur du conseil donne aux Benjamites. Il avoir choisi lui-même Elmacin pour son gendre; mais sa probité l’avoir empêche d’avertir sa fille du risque auquel il exposoit celles d’autrui.

Il arrive, & la prenant par la main: Axa, lui dit-il, tu connois mon cœur; j’aime Elmacin, il eut été la consolation de mes vieux jours: mais le salut de ton peuple & l’honneur de ton pere doivent l’emporter sur lui. Fais ton devoir ma fille, & sauve; toi de l’opprobre parmi mes freres; car j’ai conseille tout ce qui s’est fait. Axa baisse 1a tête & soupire sans répondre; mais enfin levant les yeux, elle rencontre ceux de son vénérable pere. Ils ont plus dit que sa bouche: elle prend son parti. Sa voix foible à tremblante prononce à peine dans un foible & dernier adieu le nom d’Elmacin qu’elle n’ose regarder, & se retournant à l’instant demi-morte, elle tombe dans les bras du Benjamite.

Un bruit s’excite dans l’assemblée. Mais Elmacin s’avance & fait figue de la main. Puis élevant la voix: écoute, ô Axa, lui dit-il, mon vœu solemnel. Puisque je ne puis être à toi, je ne serai jamais à nulle autre: le seul souvenir de nos jeunes ans que l’innocence & l’amour ont embellis me suffit. Jamais le fer n’a passe sur ma tête, jamais le vin n’a mouille mes levres, mon corps est aussi pur que mon cœur: Prêtres du Dieu vivant, je me voue à son service; recevez le azuréen du Seigneur.

Aussi-tôt, comme par une inspiration subite, toutes les filles entraînées par l’exemple d’Axa imitent son sacrifice, & renonçant à leurs premieres amours se livrent aux Benjamites [186] qui les suivoient. A ce touchant aspect il s’éleve un cri de joie au milieu du Peuple. Vierges d’Ephraim, par vous Benjamin va renaître. Béni soit le Dieu de nos peres: il est encore des vertus en Israel,

FIN.

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